Histoire

L’église St Thibault de Chevru, dont les origines identifiables par ses éléments stylistiques remontent à la deuxième moitié du douzième siècle, présente des dommages graves.

Ils s’analysent en deux catégories complémentaires : basculement vers l’extérieur du mur sud du chœur, basculement très important et spectaculaire dans la même direction de la flèche de charpente qui surmonte la première travée du cœur.

Des solutions palliatives ont déjà été apportées pour soutenir la flèche, les plus récentes il y a apparemment un siècle, certaines d’entre elles n’ont pas été inutiles; Il est certain qu’elles n’ont pas traité les causes originelles des désordres. D’autres interventions ont aggravé la situation par de mauvaises dispositions. L’édifice, outre une fatique générale due à une longue carence d’entretien, a un équilibre très fragile. Il est en danger.

L’objet de la présente étude outre l’analyse indispensable de l’édifice, de son histoire et de ses constituants est de proposer un programme de sauvegarde de l’église. Cela s’entend comme les travaux les plus urgents et les plus indispensables à la stabilité des structures et à leur protection par une couverture, comme à leur nécessaire restauration.

ESQUISSE HISTORIQUE – DESCRIPTION ARCHITECTURALE DE L’ÉDIFICE

SOURCES :

Il n’y a pas à notre connaissance de publications exhaustives sur l’église de Chevru. Les compilations indiquent en 937 une église dédiée à Saint Denis dépendant du doyenné de Provins, l’église actuelle est dédiée à Saint-Thibault, Saint Champenois par excellence.

C’est à notre connaissance à peu près tout ce que l’on sait : nous en sommes donc réduit à interroger l’édifice.

CHŒUR :

Au dela de ce contexte géographique que nous avons montré, l’examen stylistique du chœur à deux travées indique une construction probable dans la deuxième moitié du douzième siècle : chevet plat avec fenêtre en triplet, couvrement avec voutes sur croisée d’ogives, profil des arcs à un seul boudin, chapitaux à crochets polychromes avec feuilles plates schématisées précédant immédiatement la flore généralisée ( Denise Jalabert ) bases attiques, encore romanes.

Le chœur de Chevru comporte deux travées d’un ghotique très classique et ne présente pas à l’intérieur, d’énigmes insondables. Il ne nous manque qu’une date précise entre 1160 et 1180 et le nom d’un commanditaire.

Des sondages dans le chœur révèlent trois aménagements successifs attestés par le rehaussement progressif des niveaux. Le sol intérieur actuel forme un ensemble cohérent avec les boiseries du dix-huitième siècle. Il a été réhaussé d’environ 53 cm dans sa partie centrale par rapport à un niveau primitif, supposé avec vraisemblance. Un sol intermédiaire existe 26 cm sous la surface actuelle. Ses carreaux vernissés le datent de l’époque médiévale.

Sondage au droit d’une pile du chœur.

L’exploration du sol du choeur révèle la présence de la base disparue de la pile, posée sur un sol supposé originel (vers 1160-1180 d’après le style de la base encore romane).

Un deuxième sol en carreaux vernissés est situé à un niveau intermédiaire.

Son origine médiévale n’est pas douteuse.

Chapitraux du choeur.Ils peuvent dater par leur style des années 1160-1180, c’est-à-dire des premières années du style gothique francilien.A remarquer également les traces de polychromie.

Chapitraux du choeur.Ils peuvent dater par leur style des années 1160-1180, c’est-à-dire des premières années du style gothique francilien.A remarquer également les traces de polychromie.

NEF :

La nef et son bas côté sont par contre moins parlant, la nef est plafonnée, le bas côté nord est probablement un ajout, non datable, il est voûté par voûte en plâtre sous charpente.

La parenté de la corniche nord que l’on vient de signaler avec celle de la commanderie daterait aussi la nef du douzième siècle comme le chœur mais, à l’évidence, elle a été largement restaurée et modifiée au dix-huitième siècle, les fenêtres du côté sud l’attestent.

Ces modifications se sont étendues aussi aux fenêtres sud du chœur élargies au-dessus de la ligne des lambris,sur lesquelles nous allons revenir, conservant en dessous de celle-ci leur ancienne largeur. Nous sommes ici dans le modèle majoritaire des églises rurales, celui d’un édifice avec un chœur seigneurial, superbement architecturé et d’une nef plus sommaire, sorte de grange accolée à usage religieux, il va de soi, mais aussi probablement civil. Ces églises en contiennent deux en une seule, séparées par leurs différences de construction, de matériaux, de qualité générale et surtout par la grille du chœur, marquant les bienséances et les hiérarchies sociales.

FLÈCHES :

Autre signe seigneurial : le chœur est surmonté au-dessus de sa première travée par une flèche de charpente couverte en ardoise, s’élevant à 18 mètres au dessus des corniches, elle est ancienne mais exempte d’éléments datants, elle aussi. Nous avons tendance à penser qu’avec l’ensemble des charpentes elle ferait partie des restaurations consécutives à quelques guerres de cent ans ou de religions. La même analyse peut se faire, pour y revenir encore, sur la chapelle de la Commanderie qui a gardé son volume de toit initial avec des voûtes écroulées et une belle charpente qui pourrait dater du dix-septième siècle.

AMÉNAGEMENT DU CHŒUR :

Le chœur est un très bel ensemble de boiseries, c’est-à-dire retable, lambris, stalles et grilles du milieu du dix-huitième siècle ( classé M.H.), sans date précise à notre connaissance, certainement en rapport avec le dallage de sol signalé plus haut.

Est-ce ce renouveau décoratif qui a fait disparaître sous des badigeons les décors de peintures murales, de plusieurs couches que des sondages ont révélés en 1999. Cela paraît assez probable, on notera toutefois que certaines de ces peintures n’étaient pas très antérieures, voir par exemple : Saint Jacques le Mineur (cf. rapport de sondages Anna Sennac).

La date de 1790 portée devant le gros doubleau faisant office d’arc triomphal paraît sans rapport direct avec ces travaux antérieurs.

Elle est à ce jour sans explications.

DIX-NEUVIEME ET VINGTIEME SIECLE – RESTAURATIONS RECENTES :

Le dix-neuvième siècle, encore farouchement religieux, semble avoir bien entretenu cette vieille Eglise, on lui doit une série de vitraux dans le bas côté sud digne d’être conservée et peut-être les bancs de la nef.

Il se termine par une importante campagne de travaux rendus nécessaires par l’évolution des structures : voûtes et base du clocher.

L’église de Chevru appartient à la commune par les effets de la loi de 1905.

Elle n’est pas en dépit de son ancienneté et de son intérêt artistique indéniable, ni classée comme Monument Historique, ni inscrite à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques; Il n’y a pas de dossier en instance dans ce sens.

En revanche et paradoxalement, l’ensemble des boiseries du chœur – retable, lambris, stalles et grilles – a été protégé comme objet mobilier classé Monument Historique par arrêté.

Sont protégés comme objets mobiliers inscrits à l’inventaire des Monuments Historiques une bannière en 1979 et une armoire à bannière en 1986.

Les lambris du chœur et les grilles ont été déposés en 1998 pour restauration complète, sous la directive du Service Départemental du Patrimoine assurant la maîtrise d’œuvre et la maîtrise d’ouvrage.

Les lambris du côté nord et l’ensemble des grilles ont été reposés en 2000.

La repose des lambris du côté sud a été suspendue en raison des travaux qui doivent affecter la façade sud au terme de l’actuelle étude. Ils sont actuellement enveloppés et entreposés dans le bas côté.

La dépose et la restauration du retable devront faire l’objet d’une campagne de travaux ultérieurs, vraisemblablement après achèvement des travaux de restauration des structures principales de l’édifice.

L’église de Chevru n’a plus de desservant depuis 1907. Elle est administrée, sur le plan religieux, par la communauté paroissiale de Choisy en Brie.

CONCLUSION :

En résumé de l’examen de l’édifice on peut retenir comme certaines et bien lisibles, deux grandes époques, le douzième siècle où eu lieu la construction de l’église actuelle sans laisser de trace des édifices antérieurs et le dix-huitième siècle où eu lieu une refonte décorative générale effaçant beaucoup de ce qui précédait.

Dans l’intervalle de presque 600 ans qui séparent ces deux moments, il y a sûrement eu d’autres campagnes capitales de travaux.

Nous pouvons également présumer qu’elles ont porté sur le bas côté, sur les charpentes et les couvertures.

L’actuel clocher que nous ne croyons être d’origine daterait de l’une d’elle.